IA et droit d’auteur : Peut-elle être poursuivie ?

Les tribunaux français refusent systématiquement d’accorder la qualité d’auteur à une intelligence artificielle, même lorsque l’œuvre produite se distingue par son originalité. Pourtant, certains outils génératifs sont capables de créer des contenus impossibles à distinguer d’une création humaine, brouillant la frontière entre concepteur et machine.Aux États-Unis, la Copyright Office a rejeté plusieurs demandes de dépôt pour des œuvres réalisées par des algorithmes, mais la question de la responsabilité en cas de contrefaçon reste entière. À ce jour, aucune IA n’a été poursuivie devant une juridiction, mais la pression monte sur les éditeurs et développeurs.

Où en est la législation face aux créations produites par l’IA ?

Le surgissement de l’intelligence artificielle générative fait trembler le vieux socle de la propriété intellectuelle. En France, le code de la propriété intellectuelle campe sur ses positions : seul un humain peut accéder au statut d’auteur. Pourtant, les œuvres nées d’algorithmes déferlent sur la toile, textes, images, musiques, et chacun questionne désormais la légitimité de leur titulaire des droits d’auteur.

A voir aussi : Avantages de la programmation orientée objet sur les fonctions en développement software

L’affaire Kristina Kashtanova, de l’autre côté de l’Atlantique, bat en brèche le statu quo : son roman, agrémenté d’illustrations issues d’une intelligence artificielle, n’a été que partiellement reconnu par la Copyright Office. La protection s’étend au texte, fruit d’une main humaine, mais pas aux images générées par la machine. À Paris, même intransigeance : aucune extension des droits de propriété intellectuelle pour les créations automatisées.

Le chantier reste ouvert et les débats enflamment l’Europe, notamment sur la notion d’originalité : faut-il repenser les textes pour intégrer la place de la machine ? Face à une zone grise persistante, développeurs, créateurs, utilisateurs naviguent à vue. Dès que l’autonomie logicielle prime sur la patte humaine, le statut d’œuvre protégée par le droit d’auteur glisse entre les doigts.

Lire également : Créateurs de Kubernetes et origines du système de gestion de conteneurs

Voici les trois points à graver en mémoire pour comprendre la situation actuelle :

  • La protection par le droit d’auteur suppose un acte créatif humain et volontaire, impossible à déléguer au logiciel.
  • Les œuvres générées par IA restent à l’écart de la protection telle qu’elle existe aujourd’hui.
  • La France et l’Europe tentent de combiner respect des principes fondateurs et adaptation à ces usages qui s’inventent sous nos yeux.

Peut-on réellement poursuivre une IA pour atteinte au droit d’auteur ?

L’idée d’une IA assignée devant un tribunal amuse ou intrigue, mais le droit tranche sans ambiguïté : une machine ne détient pas de personnalité juridique. Inutile de rêver à une mise en accusation de ChatGPT, Midjourney ou d’un autre système d’intelligence artificielle. Derrière la façade numérique, les juges désignent toujours l’humain : développeur, éditeur, utilisateur.

Qu’il s’agisse de reproduction illicite, d’emprunt massif ou de pastiche, la responsabilité n’incombe jamais à la technologie. Ce sont les personnes ou entreprises qui opèrent ou commercialisent l’intelligence artificielle qui se retrouvent dans la ligne de mire judiciaire. Un exemple parle de lui-même : le SNAC (Syndicat national des auteurs et des compositeurs) a donné l’alerte à propos de la plateforme derrière ChatGPT. La cible est l’exploitant du service, pas l’algorithme.

Un nouveau casse-tête naît alors. Entre le créateur du code source, le fournisseur de la solution et l’utilisateur final, qui endosse le risque d’une éventuelle violation des droits d’auteur ? Paris et Bruxelles cherchent encore le mode d’emploi, notamment sur l’entraînement des modèles IA à partir de données sous droit.

Le débat actuel s’articule autour de trois repères clairs :

  • Ni en France ni en Europe, une IA ne saurait être poursuivie devant un juge : elle n’a pas d’existence au regard du droit.
  • Les procédures visent exclusivement des personnes physiques ou morales responsables de l’usage ou de la diffusion.
  • La désignation précise des responsabilités entre développeur, éditeur, utilisateur demeure floue et continue d’alimenter les discussions.

Responsabilités humaines : créateurs, utilisateurs et éditeurs dans la ligne de mire

L’équation de la propriété intellectuelle issue d’IA se règle toujours par la dimension humaine. En France comme dans le reste de l’Europe, seul un individu ou une entité peut prétendre à la qualité de titulaire des droits. Dès qu’une œuvre générée se sert, sans mandat, d’un matériau protégé, la responsabilité est déclenchée pour toute la filière : créateurs de modèles, éditeurs de solutions, utilisateurs eux-mêmes.

À mesure que les images générées et les textes de synthèse se multiplient, les ayants droit brandissent leurs revendications directement auprès des plateformes et des éditeurs. Amazon, par exemple, a modifié ses règles : tout auteur doit désormais signaler sans détour la présence de passages créés par IA dans un ouvrage. Objectif : tracer l’origine et préserver les droits voisins.

La France s’en tient à la lettre de son code de la propriété intellectuelle : seuls les actes créatifs de personnes réelles valent droit sur une œuvre protégée. En cas de contestation, le juge examine l’intention, la contribution humaine, pour répondre sur la responsabilité. Quant aux éditeurs et développeurs IA, ils renforcent leurs garde-fous techniques afin de réduire le risque d’atteinte aux droits de propriété intellectuelle.

Quant aux utilisateurs, ils doivent redoubler de vigilance : beaucoup ignorent encore les implications liées à l’utilisation d’œuvres issues d’un outil automatisé. Même guidée par un prompt original, une production d’IA n’échappe pas au questionnement, de qui relève la titularité ? Que se passe-t-il en cas de contentieux ? Les logiques juridiques évoluent, dessinant un nouveau partage des responsabilités, collectif et mouvant.

intelligence artificielle

Vers une évolution du droit d’auteur à l’ère de l’intelligence artificielle

Le débat prend de l’ampleur : l’avenir de la propriété intellectuelle dépend-il d’une stricte conservation ou d’une adaptation à la réalité de l’intelligence artificielle générative ? Les exemples concrets prolifèrent. On l’a vu avec la décision touchant Kristina Kashtanova aux États-Unis : là-bas, la Copyright Office refuse d’accorder la paternité à une IA, faute d’apport humain suffisant. Un choix qui rejoint la philosophie européenne, la création reconnue doit toujours émaner d’un geste humain, selon le code de la propriété intellectuelle.

La Commission européenne prend aussi position : elle prône une régulation du text and data mining, extraction automatique de masses de données par des IA, source de vives tensions entre créateurs et concepteurs de solutions. Derrière ce cadre, une volonté s’affirme : distinguer l’outil d’aide de l’agent autonome et protéger la création humaine sans bloquer l’innovation.

Pour les utilisateurs, ces avancées exigent de nouveaux réflexes. S’assurer de la source des contenus, mesurer l’originalité, retracer la part humaine dans la réalisation : ces gestes deviennent indispensables afin de limiter les risques de violation des droits d’auteur. Le contexte change. Si la notion d’auteur intelligence artificielle n’existe toujours pas légalement, la réflexion sur la titularité et la responsabilité s’étoffe au gré des décisions de justice.

Le décor change et les certitudes d’hier s’effritent. Face à l’irruption de l’intelligence artificielle dans la création, un nouveau récit s’écrit déjà dans les tribunaux. Qui portera demain la plume du droit d’auteur : les concepteurs, la machine, ou la société tout entière ?